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6.6 Vie privée et vie publique

La dichotomie entre vie privée et vie publique est une notion importante en sciences sociales. Cette dichotomie évoque des distinctions multiples, entre le domicile et l’extérieur, entre la familiarité (ou l’intimité) et la distance, entre l’informalité et la formalité, etc.

En tant que structure de communication, le web est à la base une sphère publique. C’est une « scène » sur laquelle se produisent des performances publiques. Il existe des façons de bloquer l’accès à certains éléments, mais l’infrastructure du web est orientée vers la transparence et la diffusion publique, contrairement à plusieurs autres technologies basées sur Internet (comme le courriel, la messagerie instantanée, le ftp, la transmission de fichiers de pair-à-pair, etc.).

Nous avons expliqué plus tôt que, dans les premiers balbutiements du web participatif (1995-1999), la plupart des utilisateurs employaient des pseudonymes. Depuis 2000, avec la naissance des blogues, de plus en plus de gens utilisent leurs vrais noms. En participant sous son vrai nom, monsieur ou madame Tout-le-Monde devient un personnage public. Il ou elle n’est pas une « célébrité » au sens usuel du terme (sauf avec de la chance ou de la malchance), mais devient tout de même une personnalité publique.

Les espaces publics médiatisés

Si vous allez dans un stade assister à une partie de soccer avec des copains, vous tenez pour acquis que vous avez une certaine intimité. Même si vos échanges se déroulent dans un lieu public, vous ne vous attendez pas vraiment à ce que vos propos soient capturés par des tiers. Cependant, en entrant dans la partie publique du web social vous entrez dans un « espace public médiatisé » (mediated public) – un environnement où les gens peuvent se retrouver publiquement à travers une technologie médiatrice (ici, le web).

L’article « Social Network Sites : Public, Private, or What ? » de danah boyd énumère quatre caractéristiques fondamentales d’un tel espace.

  1. La persistance : ce qui est dit reste. Cela est utile dans la communication asynchrone, mais cela signifie aussi que ce qu’une personne a dit à quinze ans demeure accessible quand elle arrive à trente.
  2. La facilité de recherche (searchability) : ce qui est dit peut être trouvé.
  3. La « copiabilité » : les conversations peuvent être copiées et retransmises ailleurs.
  4. L’auditoire invisible : les personnes qui assistent à une conversation sont invisibles. La persistance fait en sorte que même des gens qui n’étaient pas initialement au rendez-vous ont accès à cette conversation.

Lisez l’article mentionné ci-dessus avant de poursuivre votre lecture de ce module pour saisir l’impact des espaces publics médiatisés, en particulier sous l’angle de l’usage qu’en font les jeunes.

Lisez enfin l’article Facebook’s "Privacy Trainwreck" : Exposure, Invasion, and Drama qui offre une explication de l’effet de surprise du changement apporté au fonctionnement de Facebook sur les utilisateurs.

L’effondrement des contextes

La plupart des gens maintiennent une certaine séparation entre différentes facettes de leur vie – le travail et la maison, par exemple. Ils jouent des rôles différents dans ces contextes. Dans le monde réel, cette stratégie ne fonctionne pas trop mal, car les rencontres fortuites entre, par exemple, l’épouse et le patron sont rares. Il peut même exister des contradictions entre les personnalités que les gens affichent dans différents contextes sans que cela ne cause de malaise (sauf peut-être en leur for intérieur).

Dans le monde du web, certaines personnes utilisent une stratégie analogue : elles représentent différentes facettes de leur identité en créant de multiples identités numériques. Cependant, sur Internet, il suffit de créer un hyperlien pour réduire à un seul clic la distance entre deux pages. Si l’on procède en multipliant les identités, peut-on les empêcher d’entrer en collision ?

Plusieurs cas vécus suggèrent que cela peut se révéler difficile ou risqué.