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6.3 Les aspects personnels et sociaux de l’identité

À la base, l’identité est une réponse à la question : « Qui suis-je ? ». Le sens précis de cette question dépend énormément du contexte dans lequel elle est posée.

Au sens courant, l’identité est liée à la définition de la personne selon un ensemble de critères et de catégories. Pensez à l’identité telle que reflétée dans un passeport. Le sexe et l’âge sont des éléments typiques de ce processus d’identification. Le fait d’être une femme ou un homme occupe une place prépondérante dans le processus de définition identitaire. La même chose s’applique à l’âge : il y a des différences importantes entre une femme de vingt-trois ans et une fillette de trois ans, même si on parle de la même personne à différentes étapes de sa vie.

Dans un contexte psychologique, l’identité correspond à la perception de soi. Elle est « subjective » au sens le plus littéral du terme puisqu’elle porte sur le sujet. L’identité personnelle, au sens psychologique, est liée à la personnalité, à ce qui semble définir la personne pour elle-même.

Le processus de négociation des identités

Chaque dimension, chaque caractéristique humaine sont l’objet d’un processus identitaire. Il s’agit d’un processus en ce sens que chaque identité est constamment remise en question par divers contextes. Le processus est en général si bien internalisé par chacun qu’il semble aller de soi. Mais le processus est complexe et dynamique. Certaines identités sont plutôt stables alors que d’autres sont changeantes : il est difficile de changer de sexe alors que le passage du temps force un changement identitaire tout au long de la vie. Même les identités stables sont « négociées » au cours de l’existence : il y a plusieurs façons d’être femme et il est possible de passer d’une féminité à l’autre au fil du temps. D’ailleurs, une identité combine souvent plusieurs composantes : le fait d’être mère sous-tend à la fois le fait d’être parent et le fait d’être femme.

Pour la personne elle-même, ces caractéristiques peuvent sembler être définissables dans l’abstrait, en l’absence de tout contexte social. Une femme demeure une femme même si elle vit en ermite. En général, toutefois, la notion d’identité est associée au contact avec d’autres personnes. L’identité se définit généralement en contexte social, au fil des interactions. Même l’ermite peut se définir par opposition à la sociabilité usuelle.

On se définit surtout par comparaison aux autres. Le processus de comparaison comporte deux aspects principaux : la similitude et la différence. On s’associe à ceux qui nous ressemblent et on se distingue des autres. Ces processus d’association et de distinction correspondent à des modèles complexes mais reconnaissables.

Il y a diverses façons de se distinguer des autres, par exemple selon nos affinités particulières ou selon une échelle de statut. Le processus identitaire est ainsi lié au sentiment d’appartenance à une communauté. Il est aussi lié à la notion de prestige, qui implique un statut qui varie d’un individu à un autre à l’intérieur d’un groupe.

Bien entendu, chaque individu a une identité sociale complexe et dynamique. Par exemple, une même personne peut être à la fois bibliothécaire, protestante, québécoise, gestionnaire d’une association politique et joueuse expérimentée de World of Warcraft.

Les groupes et l’identité

Le lien entre les groupes et l’identité comporte plusieurs dimensions. On peut tout d’abord dire que l’appartenance à un groupe procure une identité. Par exemple, « Christiane est présidente de l’exécutif » ou « Lucien est membre des Chevaliers de Colomb », sont des façons de désigner des identités par référence à l’appartenance à des groupes (un comité exécutif ou les Chevaliers de Colomb).

Dans divers contextes sociaux, il est habituel de se définir par de telles appartenances. Compte tenu de dynamiques complexes qui peuvent exister entre groupes, certaines personnes peuvent accorder une importance primordiale au fait d’appartenir à un groupe plutôt qu’à un autre, par exemple, les Chevaliers de Colomb plutôt que l’Opus Dei, la Croix-Rouge ou la Grande Loge du Québec.

La compétition entre clubs sportifs est un exemple typique de cette distinction : au cours des années 1970 et 1980, les partisans des Nordiques de Québec et ceux du Club de hockey Canadien de Montréal se définissaient par opposition entre eux et par exclusion mutuelle. De façon analogue, la rivalité entre les Red Sox de Boston et les Yankees de New York est sans doute l’exemple classique d’« identité négative », assise sur la distinction entre deux franchises de baseball.

À l’inverse, on peut voir l’identité comme base d’appartenance au groupe. Par exemple, des Québécois expatriés en Suède peuvent décider de créer un groupe en utilisant l’identité québécoise comme critère d’inclusion. Dans un tel contexte, la dimension distinctive de l’identité est claire : ces expatriés québécois se différencient à la fois des Suédois et des Québécois non expatriés.

Certaines identités sociales sont faciles à nommer, alors que d’autres nécessitent des descriptions approfondies et nuancées. Certaines identités sont formalisées par des institutions. Les titres universitaires et professionnels sont une façon de mettre à l’avant-plan de telles identités formelles : « Guylaine Bélanger, Ph. D. », « Claude Tremblay, M. A. », « Me Jeanne Dumais, avocate ».

La projection et la représentation

Il est possible de distinguer deux types de processus identitaires : la projection et la représentation.

Une personne projette une identité authentique. C’est la dimension du « je suis ce que je suis », qui peut servir de base à des processus d’acceptation ou de déni. Cette projection peut demeurer intégrée ou se fragmenter en fonction de divers contextes sociaux.

D’autres processus identitaires constituent une « mise en scène » sociale, un « jeu de rôle ». Ces processus correspondent à la représentation, dans un sens dramaturgique autant que politique. Chacun se construit une sorte de « masque » pour agir en société. D’ailleurs, le terme latin persona, signifiant « masque », est utilisé pour désigner un rôle social.

Le nom réel, le portrait et le certificat d’authenticité relèvent de la projection. Quant à eux, l’anonymat, les pseudonymes et les « avatars » évoquent des stratégies de représentation. Une personne a bien sûr plus de latitude dans sa représentation que dans sa projection.

Cette section a fait ressortir le caractère multiforme et souvent fluide de l’identité. Dans la prochaine section, nous verrons comment l’identité se manifeste en ligne.