Blogues


3.3 Les origines des blogues

Dans cette section, nous esquisserons brièvement le cheminement des blogues en tant que forme d’écriture, de leur naissance à leur dissémination extrêmement large sur le web.

3.3.1 La naissance du blogue

Le premier blogue à poindre sur le web fut celui de Tim Berners-Lee, intitulé « What’s New ? », que l’on retrouvait à l’URL http://info.cern.ch/ et qui pointait vers tous les nouveaux sites web (vous avez bien lu, tous les nouveaux sites web !) au moment de leurs naissances respectives.

Le deuxième à voir le jour fut celui de Marc Andreessen, également intitulé « What’s New ? », publié par le National Center for Supercomputing Applications (archivé ici), dont la vocation était tout à fait semblable à celle du premier, et qui fut publié jusqu’à la mi-année, en 1996.

En 1996 et en 1997, en pleine explosion du web, on vit se multiplier les carnets web. Parmi les premiers figuraient Scripting News de Dave Winer, Robot Wisdom de Jorn Barger, et CamWorld de Cameron Barrett. Slashdot, fondé par Rob Malda, mérite une mention pour avoir atteint une popularité phénoménale bien avant le tournant du millénaire.

Le contenu des premiers cybercarnets tenait davantage du concentré hétéroclite d’hyperliens, parsemé de commentaires et bâti selon les humeurs respectives des rédacteurs. Avec le temps, ces carnets se sont constitué des lectorats imposants en raison de leur saveur personnelle et parce qu’ils offraient une sélection unique de contenu frais qui plaisait à un segment de la population en ligne qui avait des atomes crochus avec l’un ou l’autre des blogueurs. La nature personnelle des premiers carnets est fort bien saisie dans l’explication de Rob Malda : « Slashdot doit sa popularité au fait que j’étais mon propre lectorat cible. Je n’essayais pas de bâtir un site pour quelqu’un d’autre, je créais le site que j’avais envie de lire. » (traduction de l’auteur)

3.3.2 Les débuts du « weblog-boom »

La majorité des premiers blogues étaient faits maison par des concepteurs web et des développeurs de logiciels, qui étaient les plus au fait des possibilités technologiques. Au cours des premières années, on ne pouvait recenser qu’une poignée d’entre eux. Cependant, en 1999, plusieurs services d’édition de carnets web gratuits ou à petit prix, dont Pitas, Livejournal, Blogger de Pyra Labs et EditThisPage.com de Userland, firent leur apparition. Comme ces services exigeaient peu de connaissances techniques de la part de l’utilisateur, leur emploi devint du coup beaucoup plus accessible. C’est à partir de ce moment qu’on put assister à une croissance spectaculaire du nombre de carnets web.

En 2000, à la mi-année, on recensait environ mille carnets web. Au milieu de 2002, les estimations portaient le nombre de cybercarnets à environ un demi-million, le service de Blogger rapportant à lui seul plus de 350 000 utilisateurs inscrits et la création d’un nouveau carnet toutes les 40 secondes, soit plus de 60 000 par mois (Steven Levy, Living in the Blog-osphere, août 2002). Il faut cependant noter, comme le fit remarquer Rebecca Blood, que plusieurs de ces nouveaux carnets tendent davantage vers le propos diariste et, ce faisant, ne correspondent pas à notre définition des carnets web.

En 2007, la compagnie Technorati avait indexé plus de 70 millions de blogues. À chaque année jusqu’en 2011, cette compagnie publiait un « State of the Blogosphere » qui donne un portrait assez complet de l’univers des blogues. Avant de poursuivre votre étude de ce module, lisez un rapport de Technorati.

L’un des phénomènes les plus marquants liés à l’expansion de la communauté des carnetiers est l’utilisation du médium à des fins de discussion. Plusieurs rédacteurs se sont mis à utiliser leurs carnets pour répondre à des textes de leurs pairs, en utilisant des hyperliens pour permettre au lecteur de suivre les fils de discussion. Un nombre arbitraire de participants pouvait se joindre à la discussion en cours, pourvu qu’ils publient eux-mêmes un carnet web.

En surface, le tout peut ressembler à un moyen de communication en ligne comme un autre, s’ajoutant à la liste déjà longue des systèmes de listes de discussion ou des forums. Il existe cependant une différence majeure dans le cas du carnet web. Puisque la contribution de l’auteur en réplique au texte d’un autre est publiée sur son propre site, il existe un risque que sa réaction passe inaperçue. Cet impondérable a une incidence certaine sur la qualité de contenu que l’on peut retrouver sur les carnets web, comme nous le verrons à la prochaine section.

L’explosion des blogues a aussi donné naissance à un autre phénomène significatif. Alors que les blogueurs augmentèrent sensiblement leur lecture des textes des autres blogueurs, on assista à l’émergence et à la propagation du « blogrolling ». Une blogoliste ou un blogroll est une section d’un carnet web, constituée de la liste des sites lus régulièrement par l’auteur. La liste est généralement située en marge de la page d’accueil d’un carnetier ou sur une page différente à laquelle on peut accéder depuis la page d’accueil par hyperlien. L’aspect particulier de ces défileurs est qu’il affiche et concrétise les relations sociales établies entre les carnetiers.

3.3.3 L’adoption en masse

Au cours des dernières années, la population des blogueurs s’est énormément diversifiée. Un nombre grandissant de professionnels ont commencé à rédiger des blogues. Ces carnetiers se sont mis à utiliser le média comme outil de travail, outil de repérage des développements dans leurs secteurs, et outil de diffusion de leurs idées. Ainsi, de nombreux journalistes, bibliothécaires, avocats et éducateurs se sont lancés tôt dans l’usage du blogue. Les blogues ont également fait des incursions en politique. D’une certaine façon, le blogue fournit au politicien un espace virtuel abritant une conférence de presse permanente où tous étaient invités.

Les blogues sont un phénomène mondial, et en tant que tel l’explosion du médium s’est manifestée dans pratiquement toutes les langues qui s’écrivent. Même si environ le tiers des blogues sont rédigés en anglais et de même pour la langue japonaise, il existe des millions de blogues en chinois, espagnol, italien, français, etc. Le blogue typique fait évidemment surtout des liens vers des blogues rédigés dans la même langue.

Depuis 2007 environ, en réaction à la vive popularité du médium du blogue et au déplacement de l’attention vers ce dernier, les médias traditionnels se sont à leur tour lancés dans les blogues. Il y a aujourd’hui un nombre impressionnant de journaux et de magazines qui paient des gens pour bloguer. 95 des 100 journaux américains les plus importants publient des blogues de reporters.